• Le chateau Hanté de Rustefan

    JENOVEFA DE RUSTEPHAN

    De l'ancien manoir de Rustéphan, en la paroisse de Nizon (aujourd'hui rattachée à la commune de Pont-Aven, Finistère-Sud), il ne subsite que deux tours d'une vingtaine de mètres de hauteur, environnées de lierres, de ronces et d'herbes folles. Portes cintrées, fenêtres à croisillons, vastes cheminées, escaliers de pierre tournant autour d'un haut pilastre: tout cela est désormais en ruines. Les siècles, les intempéries et l'incurie générale ont eu raison de la noble demeure.

    Le visiteur est mis en garde:
    "Danger! Ruines. Ne pas approcher..."

    On approche quand même, au risque de voir se décrocher quelque pierre à peine soutenue par une branche de lierre.
    Si l'on se réfère aux registres de la Réformation de la Noblesse, on découvre qu'un Sire de Rustéphan fut, en 1426, Grand Echanson de France. Il est donc permis de penser que la demeure revêtit à l'époque une certaine allure. Et c'est sans doute, ce qu'il faut avoir à l'esprit pour comprendre tout le tragique de la passion qui lia l'héritière de Rustéphan, Jénovéfa, à un jeune clerc du nom de Jean le Flécher -en langue bretonne Yan ar Flécher- du village de Kerbleïz en Nizon.

    Le garçon, dit-on, avait toutes les qualités: beau, élégant, instruit, bien élevé. Il ne lui en manquait qu'une seule: il n'était pas noble. Et c'est là que vint le drame.

    Lorsque les parents de Jénovéfa comprirent qu'une mésalliance était en vue, ils intervinrent auprès des autorités écclésiastiques pour que Yannik fût ordonné prêtre le plus rapidement possible. Jénovéfa suppliait le jeune homme de ne pas accepter:
    -Yannik ar Flécher,croyez-moi, n'allez pas recevoir les ordres !
    -Je ne puis retourner à la maison, car je serai appelé parjure...
    -Vous ne vous souvenez donc plus de tous les propos qui ont couru sur nous deux? Vous avez donc perdu l'anneau que je donnai lorsque nous dansions ensemble?
    -Je n'ai point perdu votre anneau d'or. Dieu me l'a pris.(...). La main de Dieu me tient; il faut que j'aille aux ordres...

    Et c'est ainsi que Yannik ar Flécher fut ordonné prêtre. Et lorsque fut venu le jour de sa première messe, à Penn-ar-Lenn, le Seigneur de Rustéphan déposa en offrande vingt écus d'or; la Dame, de son côté, en offrit dix...
    Mais si la messe commença, elle ne connut jamais de fin. Alors que le jeune prêtre célébrait l'office, il se mit soudain à pleurer. Jénovéfa se précipita vers l'autel et se jeta aux genoux de son ami.
    -Au nom de Dieu, Yan, arrêtez ! Vous êtes la cause de ma mort !
    Elle mourut en effet,. Au pied de l'autel. Et longtemps après le drame, selon les témoins, on vit le prêtre pleurer sur la tombe de Jénovéfa...

    Les années passèrent, et Yan ar Flécher disparut à son tour.

    Un jour que des jeunes gens étaient en train de danser sur le tertre du château, ils aperçurent à la lucarne du donjon la tête chauve d'un vieux prêtre aux yeux étincelants: le fantôme de Missire ar Flécher !

    Mais ce n'est pas tout: on assure que, vers minuit, on aperçoit dans ce qui fut la grande salle du manoir une bière recouverte d'un drap mortuaire, avec aux quatre coins, des cierges blancs comme on en faisait autrefois brûler pour les jeunes filles nobles.

    Et ceci encore: les vieilles gens de Nizon assurent que l'on continue de voir sur les murailles du château, une demoiselle en robe de satin vert, garnie de fleurs d'or, quelquefois chantant et le plus souvent pleurant.

    C'est tout ce qu'on peut dire aujourd'hui des impossibles amours de Jénovéfa de Rustéphan et du jeune clerc de Nizon Yannik ar Flécher.
    Le miracle d'une vieille ballade populaire, transcrite en langue bretonne, a permis que cela ne fût pas oublié.





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